Ep 4 - La Justification
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Après la catégorie des Openers, nous allons ouvrir avec l'épisode 4 une nouvelle catégorie de techniques, celle des arguments.
J'ai rangé les techniques des plus anodines aux plus nuisantes, donc c'est tout à fait normal de s'y reconnaître encore ou de reconnaître le comportement de certains de ses proches.
La maladresse est parfaitement humaine et commune, mais dans cette catégorie, on va commencer à voir apparaître un fond de mauvaise foi.
Et la mauvaise foi est, elle aussi, parfaitement humaine et commune, ce serait de la mauvaise foi que de ne pas le reconnaître.
J'espère juste qu'au fur et à mesure que nous continuerons d'avancer plus loin dans la liste, vous finissiez par vous y reconnaître de moins en moins.
Je le souhaite pour vous !
Le manipulateur vit dans un monde de jugement, d'échelle de valeur, de points que l'on gagne ou que l'on perd, de notions binaires, et donc, par extension, de justification.
Cette aptitude au jugement, à la cotation des comportements et au fait de pousser les autres à la justification se fait toujours selon des critères bien particulier, les siens!
Ou plus précisément : L'idée qu'il se fait de ce qui est bon pour tout le monde.
Souvent, d'ailleurs, le « monde » sera invoqué comme un tout qui n'a qu'une seule opinion, et dont il est à la fois le porte parole et l'exécuteur.
Un peu comme si le monde entier l'avait élu porte parole.
Mais il peut aussi s'improviser porteur de la vérité véritable, comme si, cette fois, le monde entier nous mentais.
Mais lui, on ne la lui fait pas ! Il fait parti de ces élus qui ont su lire entre toutes les lignes.
En sa présence, il faut absolument que vous fassiez cadrer votre comportement sur ce jugement du bien commun, qui n'est, en réalité, que leur propre vision du monde, et souvent appuyé par des arguments invérifiables.
Alors, je voudrais prendre un instant pour préciser quelque chose histoire que tout le monde se sente mieux : les jugements de valeurs, nous en faisons tous! Absolument tout le monde, et ce n'est pas grave !
On en fait depuis qu'on est gosse, on fait un jugement de valeur quand on trouve que tonton Roger à une mauvaise mine depuis son opération, mais c'est vrai qu'il continue à boire beaucoup, ou que la cousine Stéphanie est resplendissante depuis son divorce, et son nouveau copain, qu'est-ce qu'il est sympa !
Encore une fois, c'est la dose de jugement, et surtout la condamnation, qui fait le poison de la relation, mais nous jugeons tous parce que chacun à son propre point de vue sur ce qui est bon, pour lui-même, pour ses proches individuellement, ou pour le groupe.
Chacun vit avec sa morale et l'affiche plus ou moins.
Le manipulateur, lui, affiche systématiquement sa propre morale, même quand on ne lui a rien demandé, et prend le temps de vous mesurer à elle, de vous toiser de haut, et de vous condamner.
Il veut absolument que son cas devienne une généralité, en somme, mais se défendra férocement si vous lui dites qu'il est le seul à le penser.
Il a besoin dans un premier temps que l'on valide son comportement et ses choix pour être rassuré et qu'il se dise qu'il n'a pas tort.
Mais il peut aussi aller jusqu'a critiquer les autres, voir les humilier, ou les pousser à se justifier pour qu'il se rassure et qu'il se dise que ses choix de vie sont bons
Il veut que le monde pense et agisse comme lui pour ne pas se sentir en tort, ce qui peut l'amener à penser qu'il doit absolument avoir raison coûte que coûte et donner tort aux autres, presque mécaniquement.
Pour lui, son point de vue est une vérité que vous devez accepter.
Si vous persistez à défendre votre morale ou votre petit point de vu perso, vous serez sommé de vous justifier, de justifier pourquoi vous ne voulez pas admettre la vérité.
Ça peut vouloir dire que vous faites partie des menteurs,
ou que si vous ne voulez pas vous ranger parmi les membres de ce grand groupe d'opinion établi au doigt mouillé qu'il dirige contre vous,
ça veut tout simplement dire que vous êtes l'ennemi de ce groupe !
Vous devrez vous soumettre à un questionnaire qu'il va vous imposer et qu'il va, lui-même, évaluer.
Vous serez donc jugé, c'est lui qui sera votre juge, et autant dire que vous serez condamné quoi qu'il arrive !
Ce genre de situation peut se présenter dans tout les diners de familles, ou tout les endroits ou on parle de politique, de football, de santé publique, d'homosexualité, de racisme ou de pandémie, etc...
Insérez ici le sujet de discussion favori de tonton Relou qui pourri l'ambiance chaque année au repas de réveillon de mamie
En somme, dés que les discussions impliquent, non seulement de la passion, mais aussi de l'égo.
Vous savez de quoi je parle, vous en avez déjà vécu!
L'argument du point de vue du « monde » ou de la vérité véritable ne sont que des artifices.
Il peuvent être légitime sur le fond, mais la manière de vouloir avoir raison à tout prix est mauvaise, et souvent étayée par des arguments bancales.
Parfois, en en mettant pleins, des arguments faible, ça fait un effet de masse et ça donne l'illusion d'être sérieux.
La personne s'autoproclame juge pour le bien de l'humanité, et s'acharne à mener une mission d'intérêt général contre quiconque n'est pas du même avis, alors que personne ne lui a rien demandé.
Il y a visiblement un très fort besoin d'avoir raison. Trop fort, en l'occurence...
Il est impossible de tenir tête à quelqu'un qui se sent légitime en croyant fermement que le monde entier est derrière lui, ou qu'il possède la vrai vérité véritable, la nouvelle lumière du monde qui va éclairer les peuples.
Vous ne lui ferez surement pas changer d'avis en le confrontant car remettre en cause la morale touche à l'égo, et nous avons déjà vu que l'égo est en grande partie inconscient.
Cet inconscient n'est pas domptable, surtout pas lors d'un énervement, et encore moins par des arguments opposés, même raisonnés, venant de quelqu'un d'autre.
Ça devient vraiment la confrontation du pot de terre contre le pot de fer, et si c'est en public, la résistance sera encore plus féroce.
Le seul intérêt de vouloir tenir tête à quelqu'un comme ça en publique, c'est juste pour éviter que les idées et les méthodes qu'il utilise se propage.
Ça ne peut être utile que dans le cas ou il est important que votre son de cloche persiste, pour ne pas laisser le champs libre à son seul point de vu.
Mais attention ! A vouloir tenir tête à un manipulateur qui refuse d'avoir tort, vous risquez de devenir ce que vous combattez.
Pour vous donner un exemple d'argument, souvent, l'argument du « Syllogisme » peut amener l'illusion qu'il remporte le débat.
Le syllogisme permet d'affirmer par exemple que:
Le ridicule ne tue pas. Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. donc le ridicule nous rend plus fort !
Ou encore :
Plus il y a de virus et moins il y a d'humain ! Moins il y a d'humain et moins il y a de virus ! Donc plus il y a de virus et moins il y a de virus !
Celle-ci, elle marche aussi avec le gruyère : Plus ya de gruyère, plus ya de trous, etc...
En somme, c'est une poignée d'expressions toutes faites, une double interprétation des mots, et une formule de math en guise de structure.
Cette argumentation fallacieuse peut paraître parfaitement logique en passant vite fait, mais si on prend le temps de s'y attarder, on peut voir les ficelles.
Et c'est avec ce genre d'argument que le consentement peut être berné et forcé.
La peur qui motive ce genre de technique est souvent profonde, et elle ne se balaie pas d'un simple argument, aussi percutant et logique qu'il puisse être.
Cette peur, c'est la peur d'avoir tort ou d'être pris en faute.
Et cette peur atteint une telle intensité chez certain que tout les arguments, même les plus fallacieux, vont être utilisés pour se justifier, ne pas se confronter à la réalité, et donc maintenir une illusion.
Ils peuvent aussi renverser la charge de la justification sur les autres, comme en disant : Prouve moi que j'ai tort !
Sachez-le, on peut prouver que quelqu'un a raison, mais il est impossible de prouver que quelqu'un a tort.
On peut prouver un mensonge, mais pas que quelqu'un se trompe d'avis.
Ils peuvent, en plus, faire culpabiliser pour détourner l'attention.
Ils peuvent encore user de tout les effets de fascination possibles pour se débarrasser de ce sentiment d'inquisition qui s'abat sur eux.
Cette technique est un refuge mental pour éviter la frustration et le malaise d'être en faute.
La peur de la culpabilité, en somme.
Ces cas les plus durs ont une susceptibilité aiguë, et pensent systématiquement que l'on remet leur opinion en cause si on pense ou si on vit différemment d'eux.
Et ce sentiment, on l'a tous déjà rencontré étant enfant.
Il est très proche de ce sentiment de honte qu'on a connu quand on avait fait une bêtise et qu'on se faisait gronder.
Il semble que quand ce sentiment perdure à l'age adulte, cette stratégie d'évitement se met en place chez ceux qui se sont très fortement dit en eux-même : Plus jamais ça !
Et c'est devenu chez eux une sorte de coquetterie émotionnelle camouflée en attaque morale pour préserver leur égo.
Parfois, un rien peut déclencher cette susceptibilité. Le mauvais sujet de discussion, quelque chose qui touche à une conviction intime, et paf, ça part en octogone du jugement de valeur !
Dans tous les cas, et même si je tente de donner ici une explication à l'origine de ce phénomène, ce n'est pas à vous de régler ce malaise profond si ce n'est pas vous qui le faites subir aux autres.
Il se peut que ce sentiment soit ancré depuis longtemps, peut-être depuis l'enfance, et ce genre de déconstruction prend vraiment beaucoup, beaucoup de temps.
Le choix de vivre mieux, ce n'est pas à vous de le faire pour lui.
Et si vous vous y reconnaissez vous-même, prenez le temps de vous poser des questions sur cette frustration première en vous, qui vous fait vous sentir en tort, qui vous donne l'impression d'être un usurpateur qui doit forcément attaquer pour ne pas être attaqué.
Si vous en êtes arrivé à l'age adulte avec ce fort sentiment d'illégitimité constante et de peur d'être en tort, dites vous qu'il y a surement une part de responsabilité chez les adultes qui ont participé à votre éducation, mais aussi que c'est à vous et vous seul de corriger le travail qu'ils ont mal fait au départ.
Voir, à devoir faire le travail qu'ils n'ont pas fait.
Ça ne pourra pas être le monde entier qui devra se plier à vous, puisque ça n'arrivera jamais !
Vouloir plier le monde à sa volonté, c'est vouer sa vie à une frustration constante, en plus de la culpabilisation.
Mais n'oubliez surtout pas que, et je le dit toujours en début d'épisode, nous sommes tous manipulateurs !
Donc que cette technique vous concerne est très possible.
Mais vous êtes parfaitement capable de vous améliorer. La preuve, vous écoutez ce podcast !
Pour les autres cas, en face à face, il n'y a pas grand-chose à faire mis à part continuer d'affirmer ses propres convictions tant qu'on le peut, ou que c'est utile.
Mais l'idée de gagner cette confrontation ne doit pas vous motiver.
Vouloir gagner face à un manipulateur n'est jamais un bon choix.
Réussir à éviter le face à face peut être d'une grande aide, mais cela nécessite de la voir venir, et ce genre de chose est extrêmement subtil à ressentir.
Ce qui doit rester dans votre tête, c'est que votre opinion et votre morale doivent être respectées pour continuer l'entente.
Les américains disent : « Soyons d'accord pour dire que nous ne sommes pas d'accord » afin de mettre un terme à la chamaille sans revenir sur ses convictions.
Si on ne vous respecte pas sur ça, ne restez pas dans cette relation.
Elle ne sera maintenue que par des faux semblants.
Au final, il faut que la personne décide de changer elle-même.
Mais pour finir sur une note plus positive, je crois qu'il est possible d'inciter au changement si on peut agir assez tôt, si on a un peu de chance, et si on sait la saisir.
Il y a une graduation à ce genre de comportement.
Certains ne s'entêtent pas toujours tel des forcenés.
Il y a aussi des sujets surement plus sensibles que d'autres.
Donc si vous connaissez bien la personne, il y a surement un contre-exemple possible à trouver.
Un sujet ou le point de vu des autres ne les perturbes pas tant que ça, ou leur susceptibilité ne s'active pas.
Ça peut être un bon exemple à saisir pour les amener à réfléchir sur ce sentiment profond de culpabilité.
Il faut comprendre que le fait de vivre avec un esprit qui ne juge que par la justification, c'est le signe de toute une vision du monde.
Et cela peut amener, parfois, à ce que ces personnes se justifient elles-même sans vraiment de raison.
Vous avez peut-être déjà rencontré la situation que je vais vous expliquer, moi, ça m'est arrivé :
Dans un moment calme et serein, la personne fait une maladresse, ou est la cause d'une incompréhension bénigne.
Et soudain, des justifications peinées jaillissent toutes seules pour expliquer, voir sur-expliquer la cause du malaise.
Si vous assistez à ce genre de comportement, que personne n'a demandé d'explications et que, pourtant, la personne se monte la tête toute seule en très peu de temps, alors vous êtes en face d'une personne qui vois le monde par le jugement et la justification.
Sachez que ces personnes sont vraiment en souffrance, et tant qu'elles ne vous mettent pas vous même en souffrance, vous pouvez essayer de les aider à se déculpabiliser.
Personnellement, j'adore ces situations car je regarde la personne et je ne dis absolument rien.
Ça a souvent pour effet de suralimenter le besoin de se justifier. Je reste très respectueux et à l'écoute, sans dire un mot, jusqu'a ce que même la personne réalise qu'elle donne à cette situation des proportions absurdes.
Après, je dédramatise et je discute avec elle pour l'inviter à comprendre quelle sensation physiologique elle à ressenti au moment ou elle à commencé à se justifier.
Je vous invite à accueillir ces justifications spontanées quand elles apparaissent, à montrer toute votre bienveillance et à les inciter à dire pourquoi elle se sentent obligées de se justifier sans raison.
L'humour peut toujours aider à dédramatiser, mais il ne faut jamais rire des personnes concernées, toujours chercher à les faire rire, elles.
Ne vous acharnez pas à imposer votre analyse. Si la personne est réticente, c'est que ce n'était pas la bonne occasion. Peut-être qu'à force de se répéter, la personne commencera à prendre conscience de son comportement.
Il faut faire passer l'idée que c'est une pulsion inconsciente et que quelque chose ou quelqu'un l'a fait apparaître en eux.
Tant que c'est possible, on peut aider certaines personnes à prendre conscience de ça,
à leur apprendre à accepter que parfois, on peut être mauvais à quelque chose, ou avoir tort,
et c'est pas si grave, et les amener à sentir quand cette pulsion de justification apparaît pour apprendre à mieux la contrôler à l'avenir.
Mais ça ne peut se faire qu'avec elles, pas contre elles.
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